LA SOCIÉTÉ EUROPÉENNE APRÈS LA LOI DU 26 JUILLET 2005.
A l’issue du sommet de Nice en décembre 2000, les Etats membres de l’Union Européenne se sont mis d’accord sur la création d’une Société Européenne. Le Règlement CE 2157/2001 du 8 octobre 2001 régit le statut de cette nouvelle forme de société. Il a été complété par une Directive 2001/86 du 8 octobre 2001 relative à la participation des salariés. La loi Breton du 26 juillet 2005 a en partie transposé cette Directive.
Le principal intérêt d’une Société Européenne réside dans le fait que les entreprises implantées dans plusieurs pays de l’Union européenne ne seront désormais soumises qu’à une seule législation.Comment constituer une Société Européenne en France et quelles en sont les règles de fonctionnement ?
I. Les modes de constitution d’une Société Européenne.
Le Règlement CE prévoit 4 modes de constitution d’une Société Européenne, à savoir :
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par voie de fusion,
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par la constitution d’une holding,
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par la constitution d’une filiale, et
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par transformation d’une société anonyme existante.
A. La constitution d'une Société Européenne par voie de fusion de sociétés anonymes existentes.
Conformément au Règlement CE, il s’agit de Sociétés Anonymes dont au moins deux sont régies par le droit d’Etats membres différents.
Le contrôle de la fusion est effectué par le Greffier du tribunal dans le ressort duquel est immatriculée la société qui est partie à la fusion.
La légalité de la procédure est, elle, contrôlée par un Notaire.
Si une délibération des assemblées ayant décidé la fusion venait à être déclarée nulle ou en cas de manquement au contrôle de la légalité de la fusion, la dissolution de la Société Européenne pourrait être demandée. Une action en régularisation est toutefois possible.
B. La constitution d’une Société Européenne holding.
Il s’agit de Sociétés Anonymes ou de Sociétés à Responsabilité Limitée dont deux au moins sont régies par le droit d’Etats membres différents.
Lorsqu’une société française participe à la constitution d’une Société Européenne holding, elle doit déposer un projet de constitution au greffe du tribunal dans le ressort duquel elle est immatriculée.
En outre, un ou plusieurs commissaires à la constitution d’une Société Européenne holding doivent établir, sous leur responsabilité, un rapport à l’attention des actionnaires de chaque société. Le contenu de ce rapport sera défini par un décret.
C. La constitution d'une Société Européenne filiale.
Il s’agit de sociétés, quelle que soit leur forme, ou de personnes morales (de droit public ou de droit privé) dont deux au moins sont régies par le droit d’Etats membres différents.
Une Société Européenne peut également être instituée par une autre Société Européenne.
D. La transformation d’une Société Anonyme en Société Européenne.
il s’agit d'une Société Anonyme qui détient depuis plus de deux années une filiale régie par le droit d’un Etat membre différent.
Cette transformation doit faire l’objet d’un projet déposé au greffe du tribunal dans le ressort duquel la SA est immatriculée. Il devra faire l’objet d’une publicité dont les modalités restent à définir par décret.
Les commissaires à la transformation devront rédiger un rapport attestant que les capitaux propres de la société sont au moins équivalents au capital social.
Par ailleurs, la loi du 26 juillet 2005 prévoit la possibilité de créer une Société Européenne unipersonnelle.
Dans cette hypothèse, la Société Européenne pourra constituer une autre Société Européenne dont elle sera l’unique actionnaire. Les dispositions régissant les EURL trouveront alors à s’appliquer.
D. Modalités diverses de constitution.
1. Capital social et personnalité juridique.
Le capital social minimal de la Société Européenne est fixé à 120.000 euros.
Lorsqu’elle est constituée, la Société Européenne doit faire suivre sa dénomination sociale du sigle « SE ».
La Société Européenne acquiert la personnalité juridique dès son immatriculation au registre du commerce et des sociétés d’un Etat membre.
2. Siège social.
Le siège social de la Société Européenne doit également constituer sa direction effective.
Si l’administration centrale de la Société Européenne venait à ne plus se situer en France, tout intéressé serait en droit de demander le transfert du siège social au lieu où est située la direction effective ou bien demander le rétablissement de l’administration centrale au lieu du siège social.
En cas de transfert du siège social, un projet de transfert doit être adressé au greffe du tribunal dans le ressort duquel la Société Européenne est immatriculée. Ce projet devra également faire l’objet d’une publication. Le transfert effectif du siège social ne pourra avoir lieu que deux mois après la publication du projet.II. Les règles de fonctionnement de la Société Européenne.
La Société Européenne est soumise aux règles régissant les sociétés anonymes de l'Etat membre où la Société Européenne a son siège statutaire.
En France, la Société Européenne est en conséquence soumise aux dispositions de droit commun régissant les sociétés anonymes.
Si bon nombre de dispositions relatives à la société anonyme sont applicables à la Société Européenne, certaines particularités doivent être soulignées.
A. La direction de la Société Européenne.
Comme pour les SA, le système de direction peut être moniste ou dualiste : la Société Européenne peut être dirigée par un Conseil d’administration ou par un Directoire et un Conseil de surveillance. Les dispositions régissant les SA seront applicables sous réserve de l’application de dispositions particulières.
Ainsi, les membres du Conseil d’administration ou du Conseil de surveillance ne pourront être des personnes morales sauf si cela est prévu dans les statuts.
Le Directoire pourra être composé de 7 membres au maximum.
Le Conseil d’administration devra se réunir au moins tous les 3 mois pour délibérer sur la marche des affaires et son évolution prévisible.
En outre, les membres des organes de direction seront nommés pour 6 ans maximum.
B. Les assemblées générales d’actionnaires de la Société Européenne.
Les règles de la SA trouvent à s’appliquer.
Cependant, le Règlement CE prévoit que la convocation de l’assemblée pourra être demandée par le Conseil d’administration, le Directoire, le Conseil de surveillance, le Commissaire aux comptes ou un mandataire judiciaire ainsi que par un ou plusieurs actionnaires détenant au moins 10 % du capital social.
De plus, les décisions de l’assemblée pourront être valablement adoptées au regard du nombre de voix exprimées. Ainsi, les abstentions et le vote blanc ou nul seront exclus du décompte des voix exprimées.
C. Dispositions particulières aux sociétés non cotées.
Les Sociétés Européennes qui ne font pas appel public à l’épargne peuvent prévoir dans leurs statuts un certain nombre de clauses régissant l’admission et le retrait des actionnaires. Ces clauses ne pourront être adoptées ou modifiées qu’à l’unanimité des actionnaires.
Ainsi, les statuts d’une Société Européenne pourront prévoir :
- des clauses limitant la libre négociabilité des actions. Ces clauses ne pourront cependant pas empêcher le transfert d’actions pendant une durée supérieure à 10 ans.
- des clauses d’exclusion obligeant un actionnaire à céder ses actions.
- des clauses prévoyant qu’un changement dans le contrôle d’une société associée, selon les termes de l’article L. 233-16 du Code de commerce, impliquera pour cette société l’information immédiate de la Société Européenne. Celle-ci pourra alors suspendre l’exercice des droits de vote de la société actionnaire et l’exclure.
En conclusion : la Société Européenne présente des avantages indéniables pour beaucoup de grands groupes européens. La constitution d’une telle société leur permettra de réaliser des économies non négligeables et simplifiera le cadre juridique applicable. Cependant, la constitution d’une Société Européenne en France est, pour le moment, subordonnée à la parution d’un décret précisant, entre autre, les formalités de publicité.
- Fiche point de vue : septembre / octobre 2005 -
© Mascré Heguy Associés - octobre 2005