NTIC : QUELS APPORTS AU DROIT DES SOCIETES ?
La loi du 15 mai 2001 a introduit l'utilisation des nouvelles technologies de communication dans le droit des sociétés commerciales. Ces dispositions qui viennent d'être précisées par décret visent à faciliter la participation des administrateurs aux conseils d'administration ou de surveillance, et à favoriser l'accès des actionnaires aux assemblées générales en allégeant le formalisme rigoureux de la loi sur les sociétés commerciales.
Les dispositions de la loi du 15 mai 2001 relative aux Nouvelles Régulations Economiques (dite loi "NRE"), et son récent décret d'application du 3 mai 2002, instaurent de nouvelles règles de convocation et de consultation des assemblées d'actionnaires (1) et autorisent l'utilisation de la visioconférence dans les conseils d'administration et de surveillance (2).
1. Les nouvelles règles de convocation et de participation des assemblées d'actionnaires
A. Le formalisme allégé des convocations
Le décret d'application de la loi NRE prévoit différentes mesures destinées à alléger le système de convocation des actionnaires et à permettre une plus grande participation des actionnaires à la vie de la société.
Désormais, les avis de convocation et l'inscription des projets de résolutions à l'ordre du jour d'une assemblée pourront être transmis par moyen électronique de télécommunication aux lieu et place de la traditionnelle lettre recommandée avec demande d'avis de réception.
Les moyens de télécommunication pourront aussi être utilisés pour la demande d'envoi de formulaires de vote à distance, l'envoi aux actionnaires des documents et renseignements demandés.
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Nécessité de l'accord préalable de l'actionnaire
L'utilisation de cette faculté exige que les actionnaires aient préalablement donné leur accord écrit, et communiqué leur adresse électronique. A tout moment, les actionnaires auront la faculté de demander à la société que le moyen de télécommunication soit remplacé par un envoi postal.
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Formulaire de vote à distance et signature électronique
Les formulaires de vote à distance devront comporter la signature électronique de l'actionnaire et les procurations devront être signées par un procédé de signature électronique.
B. Les nouveaux modes de participation aux assemblées
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Visioconférence et télécommunication
Aux termes de l'article 225-107 du Code de commerce, les statuts peuvent prévoir que sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité les actionnaires qui participent à l'assemblée par "visioconférence" ou par des "moyens de télécommunication".
Cette possibilité est exclue pour la participation à certaines assemblées telles que par exemple les assemblées spéciales des titulaires de certificats d'investissement et les assemblées d'obligataires.
- Moyens de télécommunication
Le décret d'application devait déterminer la nature et des conditions d'application de ces "moyens de télécommunication" susceptibles d'être désormais utilisés par les actionnaires. Par sa généralité, l'expression "moyen de télécommunication" énoncée par le législateur permet en effet de prendre en compte les évolutions à venir. Toutefois, ces "moyens de télécommunication" doivent apporter les garanties nécessaires à l'identification des actionnaires. C'est la raison pour laquelle, lors des débats parlementaires, la question s'est posée de savoir ce qu'il fallait entendre par "moyen de télécommunication". En effet, l'utilisation du téléphone et de la télécopie ne permet pas, à l'heure actuelle, d'offrir les garanties de fiabilité et de sécurité suffisantes.
Le décret d'application précise uniquement que les moyens de télécommunication employés doivent être "électroniques", et renvoie notamment à l'utilisation du courrier électronique.
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Site dédié et code d'identification
Site dédié et code d'identification
Un site Internet doit être exclusivement consacré au vote des actionnaires par des moyens électroniques de télécommunication. Chaque actionnaire désirant voter électroniquement devra alors s'identifier sur le site dédié, au moyen d'un code fourni préalablement à la séance.
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Visioconférence et assemblées
Le décret prévoit simplement que les moyens de visioconférence utilisés doivent satisfaire "à des caractéristiques techniques garantissant la participation effective à l'assemblée, dont les délibérations sont retransmises de façon continue".
Faute de disposer de plus amples précisions sur les caractéristiques techniques et les garanties apportées, la mise en oeuvre d'un système de visioconférence pourra être source de difficultés.
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Mention des incidents techniques
La survenance d'un incident technique relatif à la visioconférence ou à la télécommunication électronique ayant perturbé le déroulement de la séance devra être retranscrite dans le procès verbal de l'assemblée.
2. L'utilisation de la visioconférence dans les conseils d'administration et de surveillance
A. Un recours limité
La loi NRE introduit la possibilité de participer aux réunions de ces conseils par le biais de la visioconférence.
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Quorum et majorité
Les administrateurs ou membres du conseil de surveillance participant aux délibérations par des moyens de visioconférence sont réputés présents pour le calcul du quorum et de la majorité.
Cette disposition vise à améliorer la souplesse de fonctionnement des conseils.
En effet, les règles strictes de calcul du quorum et de la majorité n'étaient pas adaptées aux nouveaux moyens de télécommunication.
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Réunions physiques nécessaires
La possibilité de participer aux réunions par des moyens de visioconférence est limitée à la prise de certaines décisions.
En effet, les décisions les plus importantes de la vie de la société nécessiteront toujours une réunion physique des administrateurs ou membres du conseil de surveillance.
C'est le cas notamment pour les décisions relatives à l'arrêté des comptes annuels et des comptes consolidés, à la nomination du président, du directeur général et des directeurs généraux délégués, à la nomination du président et du vice président du conseil de surveillance, et à la nomination et révocation des membres du directoire.
B. Des modalités de mise en place encore incertaines
La loi NRE dispose que le recours à la visioconférence doit être prévu dans le règlement intérieur de la société et non dans les statuts. Ce choix est justifié par le fait qu'il est contraignant de devoir convoquer une assemblée générale extraordinaire afin de modifier les statuts pour pouvoir recourir à la visioconférence.
En l'absence de règlement intérieur, les sociétés pourront prévoir cette faculté, et organiser un tel recours dans les statuts.
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Visioconférence et conseils
A cet égard, le décret du 3 mai 2002 précise uniquement que les moyens de visioconférence doivent satisfaire à des "caractéristiques techniques garantissant la participation effective à la réunion du conseil dont les délibérations sont retransmises de façon continue".
On retrouve ainsi les mêmes (im)précisions que celles apportées à propos de la visioconférence utilisée lors des assemblées.
La mise en place d'un système de visioconférence se révélera dès lors délicate à mettre en oeuvre.
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Mention des incidents techniques
La survenance d'un incident technique relatif à la visioconférence ayant perturbé le déroulement de la séance devra être retranscrite dans le procès verbal du conseil.
En conclusion : Un certain nombre de grands groupes sont intéressés par le vote électronique et se préparent à le mettre en œuvre pour accroître et faciliter la participation de leurs actionnaires aux assemblées. Du coté de l'entreprise, cela représente des économies en termes d'organisation. Pour les actionnaires, le vote électronique économise des déplacements et permet de prendre rapidement connaissance en ligne des documents soumis au vote. Si le décret du 3 mai dernier apporte certaines précisions, il devra être complété en ce qui concerne les moyens de communication et de visioconférence susceptibles de sécuriser les échanges. A défaut, le vote électronique risque de connaître un déficit de confiance à l'image de l'assemblée générale d'un grand groupe (comprenant 5.000 personnes) qui a été annulée récemment en raison du piratage des moyens électroniques mis à disposition des actionnaires.
- Fiche point de vue : mai 2002 -
© Mascré Heguy Associés - mai 2002