LES LOGICIELS LIBRES : ATTENTION AUX LICENCES !
Le marché du logiciel libre se révèle être un marché en expansion significative, tiré notamment par les gouvernements et les collectivités qui se prononcent ouvertement en faveur de ces solutions. Mais les débats passionnés autour du logiciel libre et la brevetabilité des logiciels révèlent l'ampleur des enjeux économiques et la mesure de la complexité de la situation. Car l'engouement de certains ne doit pas masquer l'importance d'une telle décision stratégique et la nécessité d'opter pour le logiciel libre en toute connaissance de cause. Quoi qu'il en soit, l'avènement du logiciel libre a incontestablement instauré une nouvelle liberté : la liberté de choix, le logiciel libre constituant désormais une réelle alternative aux logiciels propriétaires.
Qu'entend-on par logiciel libre ?
Le logiciel libre se comprend par comparaison avec les logiciels propriétaires.
Traditionnellement, un logiciel propriétaire est distribué par un éditeur sous forme de code exécutable (code objet) uniquement. Le détenteur de la licence n'a pas accès au code source du logiciel. De ce fait, il ne lui est pas possible de corriger les bogues, d'extraire des composantes du logiciel, ni d'apporter des modifications au logiciel. Par ailleurs, la diffusion du logiciel est interdite ou strictement encadrée.
Dans le cadre des logiciels libres, le détenteur de la licence se voit remettre le (ou peut librement accéder au) code source du logiciel. L'utilisateur est donc libre d'étudier le logiciel, de l'utiliser, de le modifier et de l'adapter à ses besoins, de le corriger et de le diffuser.
Deux organismes ont défini le logiciel libre.
Selon la Free Software Fondation, un logiciel est libre s'il confère quatre libertés à l'utilisateur : la liberté d'exécuter, de copier, de distribuer, d'étudier, de modifier et d'améliorer le logiciel.
Selon l'Open Source Initiative (OSI), un logiciel est libre si dix critères sont satisfaits. Ces critères, plus techniques et pratiques, permettent, eux aussi, de déterminer si un logiciel est libre ou propriétaire.
La qualité de " logiciel libre " s'apprécie donc au regard de la licence conférée. Seule l'analyse du contenu de la licence permet de déterminer si un logiciel est libre ou non.
Ce que n'est pas le logiciel libre
Le logiciel libre est, avant tout, un logiciel protégé par le droit d'auteur, soumis à une licence, et régi par le Code de la Propriété Intellectuelle.
La licence n'a donc pas pour objet de transférer un droit de propriété, de renoncer au droit d'auteur ou de faire tomber le logiciel dans le domaine public.
La licence concédée accorde à l'utilisateur du logiciel libre des libertés, mais aussi des devoirs. Le logiciel libre est diffusé dans les conditions fixées par la licence. Et le non respect des termes de la licence fait perdre au contrevenant l'intégralité des droits sur le logiciel.
Les licences de logiciel libre
La diversité des licences portant sur les logiciels libres est très importante.
Les licences peuvent être regroupées en trois grandes familles aux effets juridiques majeurs.
- Appropriation du logiciel libre interdite : Dans cette famille, figure la plus célèbre des licences libres, la licence GPL (Licence Publique Générale GNU - GNU General Public License), créée par la Free Software Fondation. Se révélant la plus protectrice du système, elle place automatiquement sous licence GPL les versions modifiées élaborées à partir d'un programme sous licence GPL, en cas de diffusion au public. Ce qui oblige de rendre disponible le code source de la version modifiée.
- Appropriation partielle du logiciel libre autorisée : Dans cette famille figure la licence Mozilla (Mozilla Public License) où un logiciel libre peut faire l'objet d'une appropriation partielle.
- Appropriation complète du logiciel libre tolérée : Dans
cette famille figure la licence BSD (Berkeley Software Design
License) qui autorise l'intégration du logiciel libre initial
(disponible en distribution sous licence BSD) dans un produit
dérivé soumis à la même licence, voire à une autre licence,
même une licence propriétaire. Le logiciel incorporé devient
alors propriétaire.
Les licences peuvent être déclarées compatibles (ou non) avec la licence GPL, avec les problèmes inhérents à la co-existence de licences.
Les contrats liés au logiciel libre
La gratuité fréquente des logiciels libres implique le plus souvent l'absence de services d'accompagnement.
Les prestations traditionnelles (intégration, maintenance, support, évolution) sont alors confiées à des sociétés de services tierces (SSLL, SSII, etc.) voire auprès des éditeurs, le modèle économique du libre se rapprochant alors du modèle classique de l'édition de logiciel (certification, etc.).
Les contrats souscrits spécifient alors les engagements pris, les services fournis et les garanties éventuelles accordées.
Les difficultés et incertitudes juridiques liées aux licences de logiciel libre
Les logiciels libres, du fait de leur particularisme, se révèlent à l'origine de nombreuses difficultés et incertitudes juridiques parmi lesquelles :
- L'effet " viral " du logiciel libre qui impose une redistribution des développements sous licence GPL ;
- L'identification des composants logiciels libres et les licences qui les régissent : La combinaison de programmes (ou parties substantielles de programmes) dans un programme plus large nécessite d'établir une liste complète des composants, et d'analyser toutes les licences correspondantes. Les différentes licences doivent alors autoriser cette combinaison et se révéler compatibles entre elles.
- L'application des droits nationaux, et l'application en France du Code de Propriété Intellectuelle. Face aux incertitudes liées à la validité en France de la licence GPL, trois organismes de recherche français ont élaboré, en réaction, un modèle de licence " open source " dénommée CeCILL (CeA, Cnrs, Inria Logiciel Libre) présenté comme satisfaisant aux exigences du droit français (Code Civil, Code de la Consommation, etc.).
En conclusion, les nombreux atouts des logiciels libres ne doivent pas faire oublier l'existence des licences adossées à ces logiciels dont les termes très précis peuvent remettre en cause les choix opérés, voire imposer l'obligation de redistribuer les développements effectués. N'oublions pas que la particularité du logiciel libre et le cadre juridique qui en résulte ne reposent que sur la licence octroyée...
- Fiche point de vue : septembre 2004 -
© Mascré Heguy Associés - septembre 2004