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LA LETTRE D'INTENTION

Lors des négociations précontractuelles, les parties peuvent prévoir de formaliser dans un acte juridique, à savoir une lettre d’intention, certaines règles afin de guider leurs relations. La lettre d'intention est un préalable parfois nécessaire, qu’il convient de présenter.

L’intérêt de la lettre d’intention


La lettre d’intention est utile lorsque les parties souhaitent obtenir de plus amples informations sur des éléments qui vont déterminer leur volonté de s’engager ultérieurement. C’est notamment le cas en matière de cession d’entreprise ou de prise de participation lors d’une opération de capital risque ou de capital développement.


La lettre d’intention permet à cet égard d’agir avec prudence, en manifestant sa volonté de mener à bien un projet tout en se réservant la faculté de ne finalement pas conclure le contrat.


La lettre d'intention permet aussi de donner un statut aux relations pré-contractuelles au cours d’une certaine durée.

Un contenu variable


Le contenu de la lettre d’intention est variable et les parties sont libres de déterminer les éléments sur lesquels elle porte.


De manière générale, elle peut délimiter les points que les parties auront à débattre, prévoir l’organisation des négociations et la prise en charge des frais engagés, l’élaboration d’un calendrier, etc.


Ainsi, il peut être utile pour les parties de prévoir à ce stade une fourchette de prix, sans pour autant que celui-ci soit définitif.


Elle peut également constater les premiers points sur lesquels les parties sont dés à présent d'accord.


La lettre d'intention peut contenir une clause d’exclusivité des négociations, interdisant aux parties ou à l’une d’entre elles de mener en parallèle des négociations avec d’autres partenaires sur le même objet. Une telle clause permet d’éviter que les parties n’engagent des frais trop importants pour que finalement leur interlocuteur leur préfère un autre cocontractant sans avoir à initier de nouvelles négociations. En cas de rupture fautive des négociations, cette clause d'exclusivité alourdit le montant des dommages-intérêts à verser à la victime.


La lettre d'intention peut stipuler également une clause de confidentialité, les parties étant amenées à dévoiler des informations qui doivent être gardées confidentielles à l’égard des tiers. On peut prévoir le maintien de cette obligation de confidentialité pour une durée déterminée, indépendamment de celle des négociations.


Enfin, il est souvent opportun de préciser le droit applicable à la lettre d'intention, lorsque l’une des parties n’est pas établie en France, ainsi que la juridiction compétente, en cas de litige concernant les négociations.

La distinction avec l’offre de contrat et le contrat sous condition suspensive


Dans une offre de contrat, l’une des parties s’apprête à contracter. Les termes de son engagement sont déjà définis et exprimés dans son offre. Il ne reste pour l’autre partie qu’à accepter cette offre dans le délai imparti afin que le contrat soit valablement formé.


En revanche, dans la lettre d’intention, les parties ne sont généralement pas engagées, sauf éventuellement en ce qui concerne l’exclusivité et la confidentialité des négociations.


La même constatation vaut pour différencier la lettre d’intention du contrat sous condition suspensive, aux termes duquel les parties sont engagées sous réserve de la réalisation d’une condition déterminée. Le contrat est conclu mais l'exécution de celui-ci reste suspendue à la réalisation de la condition convenue. Pour la lettre d’intention, le contrat n’est pas encore conclu, il pourra l'être ultérieurement.

Une rédaction minutieuse


La lettre d’intention, en principe, n’oblige aucunement les parties à conclure le contrat final. Son objectif n’est que l’encadrement des négociations.


Cependant, la frontière est parfois bien mince entre la délimitation d’un périmètre de négociations et la stipulation de véritables engagements contractuels. Si l’accord contient déjà tous les éléments essentiels du contrat projeté, le contrat peut être considéré par le juge comme étant valablement formé. En effet, les tribunaux disposent d’un véritable pouvoir d’appréciation quant à la portée des engagements exprimés et peuvent requalifier la lettre d’intention. Par exemple, ils peuvent requalifier celle-ci en contrat-cadre si les éléments restant à déterminer ne sont qu’accessoires.


Pour éviter une telle situation, les parties doivent veiller à ne pas définir trop précisément les éléments essentiels sur lesquels elles envisagent de s’engager dans le contrat projeté. Ainsi, si les parties sont déjà d’accord sur les éléments que la loi établit comme essentiels et suffisants à la formation du contrat, elles peuvent tout à fait soumettre celui-ci à l’accomplissement de formalités supplémentaires qu’elles déterminent comme étant indispensables à leur engagement.

La sanction de la rupture abusive des négociations


Si, en principe, et sous les réserves qui viennent d’être évoquées, la lettre d’intention se distingue du contrat projeté, celle-ci peut constituer un contrat à part entière, contenant l’engagement de participer à des négociations, sans engagement sur leur issue. Les parties peuvent prévoir expressément qu’elles s’obligent à mener ces négociations de bonne foi. Dans tous les cas, cette obligation est inhérente à la lettre d’intention, la bonne foi devant présider à l’exécution de tout contrat selon le droit civil.


La partie qui ne respecte pas cette obligation en rompant abusivement les négociations prend le risque d’être condamnée au versement de dommages-intérêts. Il en va de même en cas de comportement fautif de l’une des parties qui ne participe en réalité pas activement à la réussite des négociations, notamment en ne réalisant pas les opérations nécessaires à leur bon déroulement.

Pour apprécier la faute de la partie à l’origine de la rupture, les tribunaux prennent notamment en considération l'importance et la singularité du contrat objet des négociations, la présence ou non d’une clause d’exclusivité, l'état d'avancement des négociations, la durée de celles-ci, etc.

Concernant la réparation du préjudice subi, sont réparables les dommages matériels (notamment le montant des frais engagés), ainsi que le dommage moral comme l'atteinte à la réputation commerciale. Est également réparable la perte d’une chance de conclure le contrat envisagé, qui dépend de la probabilité que les discussions avaient d’aboutir. On prend alors en compte le fait que la partie victime a perdu une chance de conclure le contrat avec une autre personne, qui est d’autant plus importante en cas de clause d’exclusivité.



En conclusion : La lettre d’intention est indéniablement un acte juridique important en période de négociations, puisqu’elle permet de contractualiser et de faciliter leur déroulement. Sa rédaction, souvent délicate, comporte cependant le risque d’engager les parties au-delà de ce qu’elles ont réellement voulu. Aussi, préalablement à la conclusion d’une lettre d’intention, il apparaît prudent de consulter en amont les services juridiques des entreprises parties aux négociations ou leurs conseils.


- Fiche point de vue : novembre 2013 -

© Mascré Heguy Associés - novembre 2013

 

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