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Contrats conclus par voie électronique : les apports de la loi pour la confiance dans l'économie numérique
Attendue depuis plusieurs années, la Loi pour la confiance dans l'Économie Numérique (dite "LEN") du 21 juin 2004 a transposé notamment les dispositions de la Directive sur le commerce électronique du 8 juin 2000. La LEN introduit désormais dans le Code civil un nouveau chapitre relatif aux contrats conclus par voie électronique.
La loi LEN du 21 juin 2004 vient compléter la réforme, engagée par la loi du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique, en élargissant le domaine dans lequel il est possible de conclure des contrats par voie électronique (1). En outre, afin de permettre un développement rapide du commerce électronique, la LEN renforce la sécurité juridique et la confiance des acteurs notamment par des dispositions relatives aux conditions de conclusion des contrats par voie électronique (2 et 3).
1. L'élargissement du champ d'application des contrats conclus par voie électronique
Afin de protéger les intérêts du cocontractant le plus faible, le législateur a, dans de nombreux cas, requis le respect d'exigences formelles lors de l'établissement de certains actes juridiques.
Ces formalités constituent des règles de validité requises à peine de nullité.
Aux termes de la LEN, le législateur a maintenu ces exigences formelles, mais les a adaptées afin de prendre en considération les écrits sous forme électronique.
* Écrits requis aux fins de validité
La loi du 13 mars 2000 n'avait pas modifié les diverses dispositions, notamment du Code civil, qui exigent l'existence d'un écrit aux fins de validité (écrits dits "ad validitatem"). Requièrent notamment un écrit à peine de nullité les contrats de baux d'habitation (article 3 de la loi du 6 Juillet 1989), les statuts de société (article 1835 du Code civil), etc.
La LEN, en insérant les nouveaux articles 1108-1 et 1108-2 dans le Code civil, a adapté ces exigences formelles aux écrits sous forme électronique.
L'article 1108-1 du Code civil prévoit désormais que lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un acte juridique, il peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 du Code civil.
Il en est de même pour l'acte authentique électronique.
Toutefois, l'article 1108-2 du Code civil exclut la possibilité de conclure un contrat par voie électronique pour deux séries d'actes :
- les actes sous seing privé relatifs au droit de la famille
et aux successions, et
- les actes sous seing privé relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale, sauf s'ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession.
* Mentions manuscrites obligatoires
De nombreuses dispositions légales spéciales imposaient jusqu'à lors que certaines mentions (montant d'un engagement, date ou signature) soient apposées de la main de celui qui s'oblige, comme en matière de cautionnement (article L.313-7 du Code de la consommation).
Le législateur avait déjà amorcé l'adaptation de ces exigences formelles en modifiant notamment l'article 1326 du Code civil et en remplaçant l'expression "de sa main" par la mention "par lui même".
Désormais, les mentions manuscrites exigées à des fins de validité pourront être apposées sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir qu'elle ne peut être effectuée que par celui qui s'oblige (article 1108-1 alinéa 2 du Code civil).
* Autres exigences formelles
Certaines dispositions légales, traditionnellement axées sur l'écrit papier, portaient référence à la "voie postale", au "cachet de la poste", à un "original", notamment en matière de crédit à la consommation (article L.312-7 et L.311-15 du Code de la consommation).
De telles références se sont révèlées inadaptées du fait de la reconnaissance des écrits sous forme électronique.
Aux termes de l'article 26 de la LEN, une adaptation de ces textes sera prochainement opérée par voie d'ordonnances afin de rendre ces exigences formelles compatibles avec la transmission de documents sous forme électronique.
2. Les modalités de conclusion des contrats sous forme électronique
Afin de protéger les consommateurs-internautes, la loi LEN impose désormais le respect d'un certain formalisme lors de la conclusion des contrats par voie électronique.
Ainsi, les nouveaux articles 1369-1 et 1369-2 du Code civil précisent les conditions dans lesquelles s'opère la conclusion du contrat par voie électronique.
Le vendeur doit, dans un premier temps, mettre à disposition "les conditions contractuelles applicables d'une manière qui permette leur conservation et leur reproduction".
L'article 1369-1 du Code civil énonce les mentions que doit contenir toute offre effectuée par voie électronique (étapes à suivre pour conclure le contrat, modalités de correction des erreurs de saisie, modalités d'archivage du contrat et conditions d'accès au contrat archivé, etc.).
Le contrat sous forme électronique n'est valablement conclu que si le destinataire de l'offre a pu vérifier le détail de sa commande et son prix total, et corriger les erreurs éventuelles.
L'acceptation de l'offre par son destinataire doit être confirmée.
Il convient de noter que ces dispositions ne s'appliquent pas aux contrats conclus par échange de courriers électroniques, ni aux contrats conclus entre professionnels.
3. L'obligation de conservation des écrits électroniques
Aux termes du nouvel article L.134-2 du Code de la consommation, les contrats conclus par voie électronique, portant sur une somme égale ou supérieure à un certain montant fixé par décret, doivent être conservés par le contractant professionnel pendant un délai qui sera déterminé par ledit décret.
Le contractant professionnel doit, de même, garantir "à tout moment" l'accès au contrat archivé.
Cette disposition a pour objet d'éviter les litiges relatifs à la preuve des obligations souscrites en faisant peser sur le professionnel une obligation de conservation des contrats conclus par voie électronique.
S'agissant des modalités d'archivage, aucune précision n'est toutefois apportée par les textes.
En conclusion : Les nouvelles dispositions issues de la LEN devraient permettre un développement plus rapide et plus sûr des échanges électroniques pour autant que les textes d'application soient rapidement adoptés.
- Fiche point de vue : août 2004 -
© Mascré Heguy Associés - août 2004