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WEB 2.0 : LES ASPECTS JURIDIQUES DU WEB 2.0

Simple évolution technique, le web 2.0 ne bouleverse pas le monde de l’Internet mais induit cependant des modifications importantes. Ces modifications sont  essentiellement caractérisées par l’apparition de nouveaux services qui ont permis au web de devenir interactif. Cette interactivité croissante du web trouve dans les sites communautaires ou de partage, son cadre de prédilection. Or, ces sites de partage concentrent aujourd’hui un certain nombre de problématiques juridiques nouvelles, au cœur des débats actuels.

Que recouvre la notion de web 2.0 ? La loi LCEN du 21 juin 2004

Avec le web désormais dénommé « 1.0 », il était possible de classer les acteurs de l’Internet dans trois catégories bien distinctes :

chacun de ces acteurs se voyant appliquer un régime de responsabilité propre à ses activités.


Cependant, l’évolution des techniques que l’on désigne par l’appellation nouvelle « web 2.0 », permet aujourd’hui à des éditeurs de communications en ligne, de mettre à disposition des internautes des espaces de stockage sur lesquels ceux-ci peuvent à leur tour publier des contenus. Aux sites personnels se seraient ainsi substitués les blogs et des sites communautaires tels que MySpace. De la même façon, Wikipédia se serait ainsi substituée à l’encyclopédie Universalis et les sites de partage de photos aux sites de stockage de photos.

Avec le web « 1.0 » l’éditeur était facilement identifiable, tandis que dans le cadre du web 2.0 la question est de savoir qui est l'éditeur du contenu publié, et par conséquent qui en est responsable et quel régime de responsabilité appliquer. Il n’en demeure pas moins que le web « 1.0 » continue d’exister et n’est pas remplacé par le web 2.0.

Cependant, d’un point de vue juridique, les évolutions du web 2.0 sont bien réelles et ne peuvent être ignorées.

Quelles nouvelles difficultés rencontrées ? L'aléa de la jurisprudence actuelle

La loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) du 21 juin 2004 constitue le texte de référence concernant Internet.

En vertu de ce texte :

Or, avec les évolutions opérées dans le cadre du web 2.0, les frontières entre éditeurs, hébergeurs et utilisateurs / internautes, sont devenues de plus en plus floues, de sorte qu’il devient difficile d’appliquer les régimes juridiques envisagés par la LCEN et le droit commun.

En effet, il est désormais courant de rencontrer des utilisateurs / internautes « actifs », qui sont à la fois éditeur et consommateur de contenus. Des sites de partage tels que Wikipédia ou Dailymotion sont des exemples connus de sites concentrant ces nouveaux comportements. De la même façon, les hébergeurs se confondent souvent avec les éditeurs de contenus en ce sens qu’ils fournissent désormais des espaces de stockage, tout en fournissant en plus, un modèle type d’édition des données (présentation, valorisation de certains contenus). En outre, il est indéniable que ces sites tirent profit de certains contenus particulièrement téléchargés. Et la confusion hébergeur / éditeur trouve une fois de plus dans les sites communautaires, son cadre de prédilection.

Il résulte de ce qui précède une augmentation des contentieux, le responsable étant de surcroît de plus en plus difficile à déterminer.

En effet, la jurisprudence est aujourd’hui confuse et donc source d’insécurité juridique.

C’est ainsi que certains sites communautaires ont pu être qualifiés d’hébergeurs sans pour autant se voir appliquer le régime de responsabilité limitée prescrit par la LCEN (TGI Paris 13 juillet 2007 : responsabilité de la société Dailymotion pour fourniture des moyens de commission de l’infraction). D’autres sites communautaires similaires ont pu, à l’inverse, être qualifiés d’éditeurs (TGI Paris 22 juin 2007, L. c/ MySpace) en raison de la structure de présentation du site et du profit résultant des publicités émises à chaque consultation, cette décision ayant été contredite dans une autre affaire, par la Cour d’Appel de Paris qui a estimé que le fait pour la société de structurer et de classifier les informations ne lui donne pas la qualité d’éditeur (CA Paris, 21 nov. 2008, SARL Bloobox Net c/ M.M.M). Enfin, la société EBAY a dernièrement été qualifiée de courtier, activité pour laquelle elle a été condamnée a plus de 40.000.000€ de dommages intérêts. Il a en effet été considéré qu’EBAY avait violé les réseaux de distribution sélective de certaines sociétés de luxe, sachant en outre que de nombreuses contrefaçons transitaient par son site communautaire de vente en ligne (décisions TC Paris du 30 juin 2008, ces décisions faisant actuellement l’objet d’un appel).

Quelles solutions pour demain ? quels régimes de responsabilité appliquer ?

Face à cette incertitude ambiante, il est important de mettre en place un ensemble de mesures susceptibles de réduire les risques de conflit. Ces mesures peuvent consister en la mise en place de techniques d’identification des œuvres (filtrage, traçabilité) ou des internautes afin de les responsabiliser. Par ailleurs, des accords avec les ayants droits peuvent également être conclus. La mise en place de modérateurs et la publication d’informations plus complètes à destination des internautes peuvent aussi être préconisées, tout comme la mise en place de techniques de retrait systématique des contenus illicites. Ainsi, il pourrait être envisagé que certains sites de partage s’astreignent à une surveillance particulière relativement à certains contenus dont l’illicéité leur a été notifiée. En s’imposant de telles mesures de précaution (surveillance particulière liée à la publication répétée de contenus protégés), le navigateur « Google » aurait peut être évité sa condamnation à 150.000€ de dommages intérêts dans l’affaire « Le Monde selon Bush » (TC Paris 20 février 2008), sans compter que sa bonne foi aurait alors certainement été soulignée.

 

En conclusion : Les questions juridiques entourant les évolutions liées au web « 2.0 » sont à la fois complexes et incertaines. Aussi un rapport législatif concernant l’application de la LCEN a-t-il pu préconiser une adaptation de ladite loi à la diversification de l’activité d’hébergeur en tenant compte des spécificités liées aux sites communautaires (rapport du 23 janvier 2008 des députés Jean Dionis du Séjour et Corinne Erhel). Toutefois, une révision de la LCEN ne paraît pas à l’ordre du jour, tant au plan national que communautaire. La Commission européenne estime en effet, pour le moment, que la révision de la directive « Commerce Electronique » dont est issue la LCEN est inutile. C’est peut être la raison pour laquelle certains députés ont présenté début mars 2009 à l’Assemblée Nationale, dans de cadre du projet de loi « Création et Internet », des amendements qui tendent à créer, dans un premier temps, un statut propre à l’éditeur de presse en ligne assorti d’un régime de responsabilité. En attendant, il est donc important pour les sites concernés de mettre en place de façon préventive, un certain de nombre de mesures de protection.


- Fiche point de vue : mars 2009 -

© Mascré Heguy Associés - mars 2009

 

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