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LES ACTIONS DE PREFERENCE RACHETABLES

Créées par l’Ordonnance du 24 juin 2004, les actions de préférence devaient à l’origine permettre d’élargir les sources de financement des entreprises et d’offrir des produits souples et adaptés à la pratique. Si le texte initial de 2004 prévoyait d’emblée que les actions de préférence pouvaient être rachetées, et que les modalités de rachat des actions de préférence pouvaient être fixées dans les statuts, la souplesse instaurée, faute d’autres précisions, est allée à l’encontre du but poursuivi. Source de nombreuses incertitudes, et donc d’insécurité juridique, le rachat des actions de préférence n’a pas été au rendez-vous escompté. Partant de ce constat, le Législateur a, par la Loi du 2 janvier 2014, habilité le Gouvernement à sécuriser par ordonnance le régime du rachat et le sort des actions de préférence. C’est ainsi que par Ordonnance du 31 juillet 2014, le Gouvernement a redéfini le régime des actions de préférence rachetables, désormais énoncé aux articles L.228-12 et L.228-12-1 du Code de commerce. Le décret du 18 mai 2015 a par ailleurs instauré un certain nombre de mesures de publicité et d’information en cas de recours aux actions de préférence rachetables.

 

Définies à l'article L.228-11 du Code de commerce, les actions de préférence sont des actions avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent, qui sont énoncés dans les statuts. Les actions de préférence peuvent être créées lors de la constitution de la société ou en cours da vie sociale.

Les actions de préférence pouvaient jusqu'alors donner lieu à conversion ou à rachat, les modalités de conversion ou de rachat pouvant être fixées par l'Assemblée ou figurer dans les statuts (article L.228-12 ancien).

Du fait de la réforme intervenue par suite de l'ordonnance du 31juillet 2014, complétée par le décret du 18 mai 2015, une distinction est désormais opérée entre les actions de préférence qui peuvent donner lieu a posteriori à une opération de rachat, selon les règles de droit commun, et les actions de préférence dites rachetables qui sont identifiées dès l'origine comme pouvant être rachetées par la société émettrice et qui bénéficient d'un régime juridique spécifique.

Issu de l’ordonnance du 31 juillet 2014, le régime juridique des actions de préférence rachetables est désormais défini à l’article L.228-12 du Code de commerce (entièrement réécrit) et au nouvel article L.228-12-1 du Code de commerce.

Pour que le régime des actions de préférence rachetables puisse d’appliquer, il faut que les actions de préférence soient stipulées rachetables dès l’origine. A défaut, le régime spécifique des actions de préférence rachetables ne ne s’applique pas.

Certes, les actions de préférence pourront être rachetées par la société émettrice mais uniquement dans le cadre du droit commun des rachats d’actions (dans les hypothèses très restrictives énoncées aux articles L.225-204 à L.225-214 du Code de commerce).

LES CONDITIONS D’EMISSION D’ACTIONS DE PREFERENCE RACHETABLES : L'ARTICLE L.228-12 DU CODE DE COMMERCE

* La société émettrice doit faire figurer dans ses statuts le principe du rachat et les modalités de rachat des actions de préférence

Pour que le régime spécifique des actions de préférence rachetables s’applique, l’article L.228-12 III du Code de commerce impose que les statuts contiennent des dispositions sur le principe du rachat ainsi que sur les modalités de rachat des actions de préférence. Ce qui requiert donc une modification statutaire préalable.

La modification des statuts doit être antérieure à la souscription des actions de préférence rachetables (article L.228-12-III). Ce qui n’est pas une difficulté réelle dans la mesure où l’Assemblée Générale Extraordinaire est seule compétente pour émettre des actions de préférence (article L.228-12 I du Code de commerce).

* Le « principe du rachat » des actions de préférence

Aux termes de l’article L.228-12 III du Code de commerce, les statuts doivent prévoir le « principe du rachat » des actions de préférence. Cette notion doit s’interpréter à la lumière de la Directive 2012/30/UE. Les statuts doivent effectivement prévoir le rachat des actions de préférence émises. En d’autres termes, le rachat doit être autorisé par les statuts.

* Les « modalités de rachat » des actions de préférence

Toujours aux termes de l’article L.228-12 III du Code de commerce, les statuts doivent également organiser les modalités de rachat des actions de préférence. L’organisation des modalités de rachat doit, de même, s’interpréter à la lumière de la Directive 2012/30/UE qui fait état des « conditions et modalités de rachat ». Il s’agit donc d’énoncer les conditions éventuelles de rachat (nature du fait générateur de rachat ; conservation ou perte de la préférence après rachat, etc.) ainsi que les modalités pratiques de ce rachat (organe compétent ; formalisme ; prix de rachat ou formule de prix ; prix déterminé ou déterminable ; prime de rachat éventuelle ; période de rachat ; modalités de paiement ; etc.)

LE REGIME DU RACHAT DES ACTIONS DE PREFERENCE

* La procédure de rachat des actions de préférence ne peut être engagée que par la société émettrice

L’article 228-12 III du Code de commerce est explicite. Le rachat des actions de préférence rachetables ne peut être qu’à « l’initiative exclusive » de la Société émettrice.

Par conséquent, l’actionnaire titulaire d’actions de préférence rachetables ne peut mettre en oeuvre la procédure de rachat des actions dont il est titulaire. les actions de préférence rachetables ne doivent pas permettre à un actionnaire de sortir de la société quand il l’entend.

* La procédure de rachat des actions de préférence ne doit pas porter atteinte à l’égalité des actionnaires de même catégorie

La procédure de rachat d’actions de préférence ne doit pas porter atteinte à l’égalité des actionnaires se trouvant dans la même situation. Les actionnaires titulaires d'actions de préférence de même catégorie doivent bénéficier du même traitement.

La procédure de rachat doit en effet être égalitaire et non discriminatoire (notamment en termes de prix ou de liquidité).

* La société émettrice ne peut détenir plus de 10% du total de ses actions ni plus de 10% d’une catégorie déterminée d’actions

L’opération de rachat des actions de préférence par la société émettrice ne doit pas amener cette dernière à détenir plus de 10% du total des actions composant le capital social, ni plus de 10% de la catégorie d’actions de préférence rachetables.

Cette règle du double plafonnement (10% du capital ; 10% de la catégorie d’actions concernée) résulte de l’application de l’article L.225-210 du Code de commerce (encadrement strict de l’auto-détention des actions par la société émettrice).

* Le rachat des actions de préférence ne peut être réalisé qu’au moyen de sommes distribuables ou au moyen d’une nouvelle augmentation de capital réalisée en vue du rachat des actions de préférence

Le financement du rachat des actions de préférence par la société émettrice est strictement encadré. Le prix de rachat des actions de préférence doit être prélevé sur des sommes distribuables (bénéfice de l’exercice ; report à nouveau bénéficiaire ; réserves disponibles) (article L.232-11 du Code de commerce).

Faute de disposer de fonds suffisants, la société doit procéder à une nouvelle augmentation de capital en vue de procéder au rachat des actions de préférence (article L.228-12 III).

* La nécessité pour la société de disposer de réserves d’un montant égal au montant nominal des actions de préférence rachetées

Après rachat des actions de préférence rachetables, la société doit disposer de réserves d’un montant au moins égal à la valeur des actions rachetées.

La valeur à prendre en compte est la valeur nominale des actions de préférence rachetées. Cette réserve ne peut être distribuée aux actionnaires.

LE SORT DES ACTIONS DE PREFERENCE RACHETABLES APRES RACHAT PAR LA SOCIETE EMETTRICE : L'ARTICLE L.228-12-1 DU CODE DE COMMERCE

Le sort des actions de préférence après rachat par la société émettrice était un point sensible qui avait été expressément identifié par le Législateur comme devant être traité par l’ordonnance à intervenir dans le cadre de la loi d’habilitation du Gouvernement.

L’Ordonnance du 31 juillet 2014 a donc créé un nouvel article L.228-12-1 du Code de commerce qui traite spécialement du sort des actions de préférence rachetées.

Une fois les actions de préférence rachetées par la société émettrice, celles-ci peuvent être utilisées par la société émettrice comme des actions ordinaires et aux mêmes fins que les actions ordinaires (article L.228-12-1 I du Code de commerce).

Une fois rachetées, ces actions de préférence peuvent donc être conservées par la société émettrice dans les conditions de droit commun (double plafond de 10% ; régime d’auto-détention ci-dessus évoqué). Dans cette hypothèse, ces actions auto-détenues par la société ne peuvent donner lieu à dividendes, à droit de vote ni à droit préférentiel de souscription.

Ces actions peuvent également être attribuées aux salariés et dirigeants dans le cadre d’une politique d’actionnariat salarié ou être échangées dans le cadre d’une fusion, d’une scission ou d’un apport (article L. 225-208 et svts).

De même, ces actions de préférence rachetées peuvent être annulées dans le cadre d’une procédure de réduction de capital avec droit d'opposition des créanciers (article L.225-205) sauf affectation de la réserve correspondante au remboursement des créanciers (article L.228-12-1 II).

Ces actions de préférence rachetées peuvent enfin être cédées ou transférées par la société et ce par tous moyens.

LES FORMALITES DE PUBLICITE ET D'INFORMATION RELATIVES A L’EMISSION ET AU RACHAT D’ACTIONS DE PREFERENCE RACHETABLES PAR LA SOCIETE EMETTRICE

Des mesures de publicité et d'information, qui résultent du récent décret du 18 mai 2015, doivent désormais être mises en œuvre en cas d’émission d’actions de préférence rachetables ou de rachat de ces actions par la société émettrice.

Le procès-verbal de l’Assemblée Générale Extraordinaire ayant prévu le principe et organisé les modalités de rachat d’actions de préférence doit notamment être déposé au Greffe.

Un registre spécial des achats et des ventes doit désormais être tenu en cas d’émission d’actions de préférence rachetables afin de relater séparément les opérations d’achat et les opérations de vente, selon un formalisme règlementaire précis.

En cas de mise en œuvre de la procédure de rachat, un avis de rachat doit, de même, être tenu à disposition des actionnaires avant la réalisation de l’opération et contenir les modalités essentielles du rachat projeté, avec un formalisme à respecter.

 

En conclusion, les nouvelles dispositions des articles L.228-12 et L.228-12-1 du Code de commerce instaurent un nouveau cadre juridique propre aux actions de préférence rachetables qui permet de sécuriser les opérations de rachat et de clarifier le sort des actions de préférence, une fois celles-ci rachetées par la société émettrice. Même si le titulaire des actions de préférence ne peut pas initier la procédure de rachat, cette décision devant incomber à la seule société émettrice, ce nouveau régime devrait permettre de conforter l'usage des actions de préférence et de répondre au mieux aux attentes des entreprises.

- Fiche point de vue : juin 2015 -

© Mascré Heguy Associés - juin 2015

 

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