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Le Commissaire aux avantages particuliers et la création d’actions de préférence

L’ordonnance du 24 juin 2004 a modifié en profondeur le régime juridique applicable aux valeurs mobilières émises par les sociétés par actions.Parmi les nouveautés instituées par ce texte, la création des actions de préférence est un point majeur.Désormais, à coté des actions ordinaires, les sociétés par actions ont la possibilité d’émettre des actions dites de préférence qui remplacent les actions à dividende prioritaire sans droit de vote, les actions de priorité, les certificats d’investissement ou autres certificats de droit de vote dont l’émission est interdite depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance.


L’article L.228-11 du Code de commerce prévoit, que lors de la constitution de la société ou au cours de son existence, il peut être créé des actions de préférence, avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature. Ces droits peuvent être de nature pécuniaire (droit à un dividende prioritaire, priorité sur le boni de liquidation, etc.) ou non pécuniaire (droit de veto sur certaines décisions, attribution de sièges au conseil d’administration, etc.). De même, les actions de préférence permettent d’aménager le droit de vote des actionnaires.

La création d’actions de préférence nécessite la mise en œuvre d’une procédure spécifique imposant dans certains cas, le recours à un Commissaire aux avantages particuliers chargé d’apprécier les droits particuliers attachés aux actions de préférence.

1. Dans quels cas intervient le Commissaire aux avantages particuliers ?

L’ordonnance du 24 juin 2004 a mis fin au débat relatif à la nécessité de respecter la procédure des avantages particuliers en cas de création d’actions privilégiées.

Désormais, la création d’actions de préférence donne lieu à l’application des dispositions relatives aux avantages particuliers si ces actions de préférence sont émises au profit d’un ou plusieurs actionnaires nommément désignés.

La question s’est posée de savoir si l’émission d’actions de préférence au profit de personnes nommément désignées mais pas encore actionnaires de la société donnait lieu à l’application des dispositions sur les avantages particuliers.

Une réponse ministérielle du 24 août 2004 a précisé que la procédure des avantages particuliers visait les actionnaires déjà existants et les actionnaires qui le deviennent au moment de la souscription à la condition toutefois que ces actionnaires soient nommément désignés.

Cette interprétation large des textes a été critiquée dans la mesure où le recours au Commissaire aux avantages particuliers est souvent vu, par les entreprises, comme lourd et coûteux.

Il convient toutefois, de reconnaître que le respect de cette procédure permet aux actionnaires titulaires d’actions ordinaires de mieux apprécier les droits accordés aux titulaires d’actions de préférence et les conséquences de la création de telles actions.

Dans ces conditions, dès lors que les actionnaires bénéficiaires d’actions de préférence sont nommément désignés, l’assemblée générale extraordinaire ne peut se prononcer qu’au vu d’un rapport du Commissaire aux avantages particuliers, du conseil d’administration et du Commissaire aux Comptes.

Le Commissaire aux avantages particuliers est chargé d’établir sous sa responsabilité un rapport sur l’évaluation des avantages particuliers afin d’apprécier leurs consistances et leurs incidences éventuelles sur la situation des actionnaires.

2. Qui peut être désigné Commissaire aux avantages particuliers ?

Le Commissaire aux avantages particuliers doit être désigné par le Président du Tribunal de commerce statuant sur requête.

Il ne peut s’agir que de Commissaires aux Comptes n’ayant pas réalisé depuis cinq ans et ne réalisant pas de mission au sein de la société. Une réponse ministérielle du 23 décembre 2004 a précisé que l’article L.228-15, de par sa généralité, exclut la possibilité la désignation d’un Commissaire aux Comptes ayant réalisé une mission au sein de la société depuis cinq ans, y compris en vertu d’une désignation judiciaire.

Le Commissaire aux avantages particuliers désigné doit donc être totalement indépendant dans l’exercice de sa mission.

3. Quel est le rôle du Commissaire aux avantages particuliers ?

* L’évaluation des avantages particuliers

Le Commissaire aux avantages particuliers est chargé d’apprécier sous sa responsabilité les avantages particuliers attachés aux actions de préférence à émettre.

Le contenu de son rapport est précisé par l’article D.169 alinéa 3 du décret du 23 mars 1967 modifié par le décret du 10 février 2005.

Ainsi, aux termes de son rapport, le Commissaire aux apports doit indiquer les précisions suivantes :

En pratique, comme cela a été souligné dans le cadre d’une question écrite du sénateur Adnot, il s’avère souvent difficile d’apprécier la valeur fidèle des avantages. Pour autant, il n’est pas envisagé, pour le moment, de modifier et d’assouplir cette disposition. En effet, dans le cadre d’une réponse ministérielle du 19 mai 2005, le Ministre de la Justice a estimé le texte du décret est de nature à lever toute incertitude.

Ce rapport doit être tenu à la disposition des actionnaires au siège social au moins huit jours avant la date de l’assemblée générale ou avant la date de réunion du conseil d’administration/directoire en cas de délégation de compétence.

Dans ce dernier cas, le rapport est porté à la connaissance des actionnaires à la prochaine assemblée générale.

Le délai de huit jours peut être réduit si tous les actionnaires y consentent, par écrit et préalablement à la désignation du Commissaire aux apports.

En outre, ce rapport doit faire l’objet d’un dépôt au greffe du tribunal de commerce dans le même délai.

* Les compléments d’information apportés par le Conseil d’administration et le Commissaire aux Comptes

En cas d’émission d’actions de préférence au cours de la vie sociale de la société, le conseil d’administration doit indiquer dans son rapport les caractéristiques des actions émises (droits particuliers attachés aux actions notamment) et précise l’incidence de l’opération sur la situation des titulaires de titres de capital et de valeurs mobilières donnant accès au capital.

Le Commissaire aux Comptes doit donner son avis sur l’augmentation de capital envisagée, les caractéristiques des actions de préférence et l’incidence de l’opération sur la situation des titulaires de titres de capital et de valeurs mobilières donnant accès au capital.

Des précisions particulières doivent être apportées en cas de conversion des actions de préférence en actions ordinaires ou en actions de préférence d’une autre forme.

Dans ce cas, le rapport du conseil d’administration ou du directoire doit préciser les modalités de calcul du rapport de conversion et les modalités de sa réalisation, ainsi que l’incidence de l’opération sur la situation des titulaires de titres de capital et de valeurs mobilières donnant accès au capital.

Enfin, il indique les caractéristiques des actions de préférence issues de la conversion.

Les rapports du Conseil d’administration et du Commissaire aux Comptes complètent donc l’information apportée par le rapport du Commissaire aux avantages particuliers afin de permettre aux actionnaires de bénéficier d’une information claire et complète.

En conclusion : Si elle est précisément définie, la mission du Commissaire aux avantages particuliers peut, en pratique, s’avérer être particulièrement complexe. Pour autant, son intervention est nécessaire, tant juridiquement que par nécessité de transparence vis-à-vis des actionnaires qui ne seront pas titulaires d’actions de préférence.



- Fiche point de vue : janvier / février 2006

© Mascré Heguy Associés - février 2006

 

 

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